Le mythe du mérite… ou la réalité d’un monde inégal

“Chacun peut réussir s’il s’en donne les moyens.”
Cette phrase, répétée à l’envi comme un mantra, semble à première vue pleine d’espoir et de bon sens. Elle évoque une société où tout ne dépendrait que de la volonté, du travail, de l’effort individuel. Une société où il suffirait de se lever tôt, d’être persévérant et de croire en ses rêves pour atteindre ses objectifs.
Mais cette phrase, aussi séduisante soit-elle, cache une vérité bien plus dure : tous ne partent pas du même point de départ.
Et croire ou faire croire que la réussite ne dépend que de soi-même, c’est fermer les yeux sur les inégalités systémiques qui, dès le plus jeune âge, limitent les possibles, brisent des élans, et condamnent trop souvent des talents à rester invisibles.

Une société inégalitaire dès la naissance
Un enfant ne choisit pas le quartier où il naît. Il ne choisit pas si ses parents sont cadres ou au chômage, s’ils sont logés dignement ou en habitat précaire, s’ils parlent couramment français ou pas, s’ils ont les moyens de lui payer des cours particuliers, des livres, des vacances culturelles.
Et pourtant, c’est tout cela qui façonne, très tôt, ses opportunités, sa confiance, ses chances.
Quand l’avenir dépend du code postal, du nom de famille ou du niveau d’études des parents, alors le mérite devient un leurre. Trop de parents grand-synthois éduquent leurs enfants avec la conviction qu’ils devront travailler 3 fois plus pour espérer une insertion en rapport avec leur capacité et compétences.
Alors, comment parler de méritocratie quand certains doivent escalader des montagnes pour arriver là où d’autres avancent sur des autoroutes ?
Dans ces conditions, le mérite ne sert plus à récompenser l’effort : il devient un alibi pour justifier l’ordre établi.

L’égalité des chances : une promesse à tenir, pas un slogan à répéter
L’égalité des chances ne peut être un simple affichage.
Elle doit devenir une politique publique ambitieuse, structurée, continue, qui s’attaque à tous les freins et tous les plafonds de verre. Cela suppose :

• Un investissement massif dans l’éducation, dès la maternelle, avec des écoles bien équipées, des enseignants convaincus du potentiel des enfants de notre ville, des effectifs réduits, une pédagogie inclusive et ambitieuse pour tous les enfants.
• Un accompagnement renforcé des jeunes, en particulier dans les quartiers oubliés, pour leur offrir des repères, des perspectives, et des raisons d’y croire.
• Le renforcement des services publics de proximité, dans les domaines clés : sécurité, santé, logement, orientation, mobilité, culture. Car on ne peut exiger le même effort de ceux qui vivent dans l’insécurité matérielle ou psychologique.
• La lutte active contre les discriminations : à l’embauche, au logement, dans les relations avec les institutions. Tant qu’un prénom peut fermer une porte, il ne peut y avoir d’égalité des chances réelle.

Ce n’est pas de la morale, c’est de la responsabilité politique
Il ne s’agit pas ici d’idéalisme naïf, encore moins de charité.
Il s’agit de justice, de cohésion, de démocratie.
Une société qui abandonne ses jeunes, qui laisse entendre à certains qu’ils ne méritent rien, se fragilise et se divise. Elle devient plus vulnérable aux discours de haine, à la défiance, au repli. Elle prépare les fractures de demain.
C’est pourquoi ce combat est profondément politique et urgent. Trop de temps a été perdu ces dernières années.
Il engage nos priorités budgétaires, nos choix d’aménagement du territoire, nos politiques éducatives, sociales et culturelles.

Une autre société est possible
Nous refusons un modèle de société qui trie à la naissance.
Nous voulons une société qui s’élève par le collectif, qui regarde chaque jeune non pas comme un risque, mais comme une richesse.
Nous continuerons de nous battre pour un modèle où la réussite n’est pas réservée à quelques-uns, mais où chacun peut, vraiment, s’accomplir à la hauteur de son potentiel.
Parce que c’est là, et seulement là, que le mot « réussite » retrouve son sens